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Scrum Master : deux profils, deux postures, ou schizophrène ?

Scrum Master : deux profils, deux postures, ou schizophrène ?

Et toujours la même réponse : “ça dépend de votre contexte”

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Il y a peu, j’ai tenu une session à Agile Tour Paris sur le thème suivant : “Une semaine dans ma peau de Scrum Master”.

Préparer cette conférence m’a fait beaucoup réfléchir sur le rôle du Scrum Master. Voici en particulier une réflexion que j’ai menée, et quelques slides qui n’ont pas pu être inclus dans la conférence elle-même par manque de temps.

J’attends vos commentaires !

Plusieurs profils de Scrum Master

Il y a plusieurs manières d’aborder le rôle du Scrum Master. Plusieurs profils de Scrum Master, même. Chaque profil n’étant pas adapté au même contexte.

Premier contexte : rapidement avoir une équipe efficace

Vous êtes en prestation, chez un client. C’est d’ailleurs le cas de toute l’équipe : uniquement composée de prestataires, avec un turn-over relativement élevé. Toutes ces personnes sont avant tout des “ressources”, des chiffres sur une ligne budgétaire.

Qu’est-ce qu’attend le client ?

En toute objectivité :

  • Le client veut que l’équipe soit productive, efficace (quoi que cela veuille dire, je précise car je vous vois venir)
  • Et surtout le client le veut rapidement

Et oui, parce que sinon, est-ce que le client s’embêterait à mettre un Scrum Master dans l’équipe ???

Dans ce genre de contexte, le rôle premier du Scrum Master est de s’assurer que la machine fonctionne et qu’elle fonctionne de manière prédictible.

En d’autres termes, on est loin de l’auto-organisation, de la vision produit, et de tout ces machins-là.

Appelons ce profil de Scrum Master le Scrum Master “Production”.

Process, outils, méthodes

Quels sont les outils du Scrum Master “Production” ?

  • Parfois un peu dirigiste, il aide à mettre en place des process et méthodes de travail qui fonctionnent bien, sans forcément faire émerger les idées par l’équipe
  • Il va donc être porté sur l’implémentation d’un process, le suivi de checklists, plutôt que sur le mindset
  • Les indicateurs vont être essentiels ; le burndown chart par exemple permet de détecter au plus tôt lorsque l’équipe a besoin d’un coup de pouce
  • Ses ouvrages de références toucheront par exemple à XP ou eXtreme Programming, tout un portfolio des bonnes pratiques éprouvés bien que très prescriptives
  • Enfin, il garde bien en tête que chaque personne de l’équipe — lui y compris — coûte de l’argent au client : on est là avant tout pour délivrer au client

Si le client a pris un Scrum Master pour accompagner l’équipe, c’est bien qu’il s’attend à en avoir pour son argent !

Un ROI rapide, oui — mais qui plafonnez

Pourquoi est-ce qu’on met un Scrum Master “Production” dans une équipe ?

  • Le client voit le travail de cette équipe comme un centre de coût
  • L’enjeu est donc bien de parler de retour sur investissement
  • Le Scrum Master sera l’élément moteur de ce retour sur investissement

Mais attention ! Ce profil de Scrum Master aura un impact limité sur l’équipe, voire une influence dangereuse à moyen terme.

  • Le Scrum Master va effectivement réussir à avoir une équipe efficace rapidement, notamment via son attitude un peu dirigiste et son focus suivi de process (on peut aller très loin juste en respectant rigoureusement un bon process !)
  • Mais c’est cette même attitude qui va empêcher l’équipe d’aller plus loin que ce juste “ça marche” : si l’équipe va rapidement réussir à produire et de manière prédictible, la quantité de valeur qu’elle produit va vite plafonner et l’équipe ne progressera plus beaucoup au-delà de ce plafond
  • Pire encore, si le Scrum Master en question quitte l’équipe, il est plus que probable que tout s’effondre

Le Scrum Master “Production”, le Chef de Projet nouvelle génération ?

Vous l’aurez compris, ce profil a fait fi de l’auto-organisation, si essentielle à l’Agilité, pour prendre en main les choses lui-même.

  • Il est donc très facile d’amener l’équipe à un niveau de production acceptable et prédictible, et cela rapidement
  • Mais au passage cette personne est devenue centrale, essentielle, critique
  • Et l’équipe est bridée dans le niveau d’excellence qu’elle pourra atteindre, par manque d’auto-organisation

Au final, quand un client recherche un “Scrum Master/Chef de Projet”, est-ce qu’il ne serait pas exactement question de ce type de profil ?

  • Fondamentalement le mindset n’a pas changé, l’auto-organisation ne semble pas être une évidente nécessité, et on entend des phrases du style “on n’est pas là pour s’amuser”
  • Cependant on saupoudre le tout des outils et manières de faire portées par Scrum et l’Agilité en général, en faisant des roadmaps dynamiques, en ne rognant jamais sur la qualité, en livrant itérativement, etc.

Second contexte : viser l’excellence

Vous voilà en entretien d’embauche. Votre peut-être-futur employeur vous explique l’ambition de la boîte : devenir le nouveau Google ou Amazon de leur niche. Pour y arriver, on a besoin de vous pour aider cette équipe à devenir la crème de la crème.

Qu’est-ce qu’attend le client ?

  • Le client vise l’excellence, devenir la référence sur le marché
  • Le challenge n’est pas tant d’y arriver rapidement, que d’y arriver tout court ; et d’ensuite continuer perpétuellement de rester au top

Dans ce genre de contexte, on prend un Scrum Master pour aider l’équipe à devenir toujours meilleure, à se focaliser en permanence sur ce qui compte vraiment.

Les éléments clés, les fondations sur lesquelles va travailler en permanence le Scrum Master, seront donc l’auto-organisation et la vision produit.

Appelons cet autre profil de Scrum Master le Scrum Master “Excellence”.

Mindset, bien-être, auto-organisation

Quels sont les outils du Scrum Master “Excellence” ?

  • Avant tout le questionnement, pour réussir à faire émerger par l’équipe les idées, méthodes et process
  • Un focus plus porté sur le mindset que sur les pratiques
  • Ce Scrum Master va beaucoup s’intéresser au mood dans l’équipe, quelles sont les relations entre les différents membres, sont-ils heureux, s’épanouissent-ils dans cette équipe
  • Ses ouvrages de références seront par exemple Management 3.0, des éléments qui touchent à l’environnement, au bien-être, aux motivations profondes des personnes
  • Enfin, sa principale inquiétude reste toujours l’auto-organisation de l’équipe, ce qui permettra de faire émerger la meilleure solution au contexte de l’équipe — par l’équipe !

Ce qui compte, c’est donc bel et bien avant tout l’équipe !

Une équipe et un produit qui progressent, indéfiniment

Pourquoi est-ce qu’on met un Scrum Master “Excellence” dans une équipe ?

  • Pour le client cette équipe construit un produit, et ce produit est le cœur de métier de l’entreprise
  • Une équipe qui tourne mieux, c’est un meilleur produit, et donc une entreprise qui réussit
  • Le Scrum Master aidera à la construction et au maintien de l’environnement propice à ce développement continu de l’équipe, et en cascade du produit et du business

Le point négatif de ce profil de Scrum Master tient au temps que met une nouvelle équipe à atteindre un premier niveau d’efficacité et de prédictibilité, comparé au précédent profil de Scrum Master “Production”.

Scrum Master “Production” et Scrum Master “Excellence” : plus que deux profils différents de Scrum Master, il s’agit plutôt de deux postures à adopter en fonction du contexte

Deux profils contradictoires ou deux postures différentes ?

Ces deux profils de Scrum Master sont en fait plutôt des postures. Le Scrum Master expérimenté saura adopter la bonne posture en fonction du contexte.

Ces deux postures sont complémentaires et permettent de construire la courbe “idéale” de progression de l’équipe !

Mieux encore, ces deux postures sont complémentaires :

  • Une nouvelle équipe, débutante, tirera parti d’un Scrum Master dans la posture “Production” qui l’aidera à devenir rapidement efficace. L’équipe construira ses premiers succès tout en se construisant en tant qu’équipe.
  • Et plus tard, le Scrum Master prendra la posture “Excellence” pour faciliter l’auto-organisation de l’équipe tout en s’effaçant lui-même.

Attention quand même à ne pas trop jouer avec le feu

Si la posture “Excellence” ne me pose pas de problème en soi, je tiens quand même à pointer du doigt les risques à adopter la posture “Production”.

Je n’ai personnellement pas d’état d’âme à utiliser avec parcimonie ces outils et méthodes, qui favorisent un résultat rapide.

Mais il faut bien faire attention à ne pas abuser de ces méthodes parfois dirigistes, car trop utilisées elles empêchent l’équipe de devenir une réelle équipe Agile.

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